Le Partizan n’a plus rien d’un géant en ses terres. Cette saison, trois entraîneurs se sont succédés dans un Partizan Stadion qui sonne creux. Les “Grobari” et les dirigeants se livrent une guerre sans merci. Au centre de cet affrontement, des joueurs désabusés. Un joyeux bordel qui ouvre la voie à l’Étoile Rouge, qui a décroché un sixième titre consécutif le week-end dernier. 

Le 23 février dernier, le Partizan reçoit le Sheriff Tiraspol, en huitièmes de finale retour de Conférence League. Deux heures avant le coup d’envoi, un cortège de “Grobari” s’amasse aux abords de l’antre “crno-beli”. Entre tristesse, déception, et colère, tous ont le même mot d’ordre : “Uprava Napolje” (NDLR : ‘direction, démission’ en VF). Il faut dire que le Partizan court derrière un titre de champion depuis 2017. Le salut aurait pu intervenir la saison dernière, alors que les “crno-beli” devancent une Étoile Rouge en fin de cycle, la majeure partie de la saison. Pourtant fatiguée, Zvezda dépasse son rival de deux petits points. Un nouvel échec qui force les dirigeants à entamer une transition.

Une saison sans fin

Ainsi, en juillet dernier, le directeur sportif Ivica Iliev nomme Ilija Stolica entraîneur du Partizan. L’ancien adjoint du club est présenté en grandes pompes. Iliev estime que “le football serbe doit se satisfaire” de son arrivée. Des propos qu’il regrette lorsque Stolica exige son licenciement trois semaines plus tard, insatisfait par son recrutement. Iliev démissionne. Stolica tombe également. Son mandat de 65 jours est marqué par le pire départ du Partizan en SuperLiga au XXIème siècle, avec une victoire en quatre matchs. Pire, les “crno-beli” sortent au troisième tour préliminaire de Ligue Europa par l’AEK Larnaca.

Le pompier de service est tout trouvé, en la personne de Gordan Petric. Son calme et sa bonhomie ont contribué à apaiser une situation électrique. Sa méthode plait aux joueurs, notamment Fousseni Diabaté, interviewé par nos soins en septembre dernier : “Je pense qu’il a apporté de la simplicité, des tactiques, des choix et des choses que les joueurs assimilent plus facilement. L’ancien coach demandait peut-être des choses un peu trop compliquées pour l’équipe. Le nouveau est bien plus dans la simplicité et il est plus ‘droit au but’.” Sous les ordres de Petric, le Partizan montre un meilleur visage, notamment lorsqu’il se hisse en huitièmes de finale de Conference League, après avoir triomphé de Cologne par deux fois en phase de poules. Néanmoins, il se montre irrégulier, et concède des contre-performances majeures.

Gordan Petric a tenu six mois sur le banc du Partizan. (Crédit photo : StarSport)

Pêle-mêle : une élimination au premier tour de la Coupe de Serbie sur la pelouse de Sremska Mitrovica, pensionnaire de PrvaLiga (D2). Un revers humiliant à domicile face au Mladost GAT (0-4), avant-dernier du championnat, qui dispute sa première saison dans l’élite. Enfin, une claque infligée par le Sheriff Tiraspol, à domicile en huitièmes de finale de Conférence League, après avoir mené au score (NDLR : défaite 2-3 sur les deux rencontres). Cet ultime échec pousse Petric, diminué par des soucis de santé, à démissionner. Alors que la phase de play-offs vient de débuter, le Partizan, qui ne compte que cinq victoires en 2023, est 4ème de SuperLiga avec 57 points. S’ils étaient habitués dans leur histoire à se battre pour le titre, les “crno-beli” doivent désormais se dépasser pour assurer une place en Coupe d’Europe. Une mission ardue pour Igor Duljaj, troisième technicien de la saison, qui doit mobiliser un groupe désabusé. En témoigne le retour tardif de Fousseni Diabaté à Belgrade ce mois d’avril, une semaine après le terme de la trêve internationale.

Une situation inextricable

Le 27 février dernier, le Partizan reçoit le Radnicki Kragujevac en SuperLiga. En dépit du spectacle proposé (NDLR : match nul 1-1), on peut s’amuser à compter, un à un, les spectateurs présents. 247 courageux sont alors éparpillés dans un Partizan Stadion qui peut accueillir jusqu’à 30 000 têtes. Bien que la rencontre se déroule un lundi après-midi, cette affluence traduit du désamour des “Grobari” envers leur club de football. De plus en plus de fidèles du Partizan se détournent du football, jetant leur dévolu sur le basket, l’autre sport majeur en Serbie. Les hommes de Zeljko Obradovic détonnent en EuroLeague, atteignant les play-offs pour leur grand retour dans la compétition. La Stark Arena est comble, avec une affluence dépassant les 20 000 spectateurs pour les derniers matchs de la saison régulière. 

La protestation des “Grobari” en marge de Partizan – Sheriff Tiraspol sonne comme un ultime cri d’alarme. Depuis des années, les ultras sont en guerre avec une direction qui se fait silencieuse. Cette dernière profite de la perte de puissance de l’un des groupes les plus réputés d’Europe de l’Est. En 2021, un vaste coup de filet de la police serbe conduit à l’arrestation de “Grobari” liés au crime organisé. Le plus célèbre d’entre eux, Veljko Belivuk, est l’un des responsables des divisions qui ont émergé dans le groupe. Ces affaires donnent l’occasion aux dirigeants de contre-attaquer. “À ceux qui déclarent que des criminels siègent au conseil d’administration, je souhaite dire que seuls les criminels pensent que le monde autour d’eux leur ressemble. Nous ne sommes pas comme la plupart des supporters”, assène le président Milorad Vucelic, lors d’une réunion du conseil d’administration en mars dernier.

Depuis l’arrivée de Vucelic en 2016, le Partizan a remporté un Championnat et quatre Coupes de Serbie. Bien loin des standards auxquels les “crno-beli” nous ont habitués dans les années 2000. Sur la scène européenne, même constat. Alors que l’Étoile Rouge se targue d’être la locomotive du football serbe, le Partizan a atteint les seizièmes de finale de Ligue Europa en 2017, les huitièmes puis seizièmes de finale de Conférence League en 2022 et 2023. Financièrement, le Partizan est également à la peine, comptant sur des dotations de l’État serbe pour sauver son bilan financier, et obtenir la licence UEFA nécessaire pour participer à la Coupe d’Europe. “Merci à Aleksandar Vucic et à l’État pour cette aide décisive”, se félicite Vucelic en mars dernier. Un affront supplémentaire pour les “Grobari”, qui haïssent le président serbe, grand supporter de l’Étoile Rouge.

Difficile d’imaginer un renouveau du Partizan sans une refonte complète de son organigramme. Milorad Vucelic en a probablement pris conscience, lui qui a présenté sa démission à la fin du mois de mars. Démission refusée par le Conseil d’Administration du Partizan, satisfait du travail de son président. Difficile également d’imaginer un club avancer sans ligne directrice dans son recrutement, en se détournant de sa base : la formation. Les jeunes qui sortent de “Zemunelo” ne parviennent pas à s’imposer durablement dans l’équipe première, et sont considérés comme une monnaie d’échange pour rééquilibrer les comptes. Pourtant, renouer avec la tradition formatrice du Partizan pourrait s’avérer vertueux. Lors d’un match amical face au CSKA 1948 en mars dernier (NDLR : défaite 2-0), sept joueurs issus de la formation ont été titularisés. Une piste parmi tant d’autres pour sauver un géant qui s’endort peu à peu.

(Crédit photo : StarSport)

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