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Jamais l’attente autour d’une Coupe du monde n’aura été aussi forte en Serbie. Les hommes de Dragan Stojkovic nourrissent l’ambition de briller au Qatar cet hiver et de chasser leurs vieux démons. Depuis 2006, et trois participations au Mondial, jamais la sélection n’est parvenue à passer la phase de groupes. Entre scénarios fous et querelles internes, l’histoire des aigles blancs a de quoi faire sourire les uns et pleurer les autres.

Avant la Serbie, la Yougoslavie

La Yougoslavie a réalisé de beaux parcours en Coupe du monde, La “Plavi” s’étant hissée par deux fois en demi-finale . D’abord, lors du Mondial 1930 en Uruguay. Après un périple de dix-huit jours en mer, la Yougoslavie dispose du Brésil (2-1) et de la Bolivie (4-0), avant de se faire torpiller par les locaux, vainqueurs de la compétition (6-1). Ensuite, au Chili en 1962, la Yougoslavie emmenée par Milan Gajic se heurte à la Tchécoslovaquie (1-3), échouant une nouvelle fois aux portes de la finale.

En 1990, la République fédérale socialiste se déplace en Italie pour sa dernière compétition internationale. La mission d’Ivica Osim est de faire cohabiter des joueurs qui ne semblent plus appartenir à une même nation. Malgré une lourde défaite inaugurale face à l’Allemagne (1-4), la Yougoslavie parvient à sortir des groupes. C’est l’heure pour Dragan Stojkovic de briller. Dans le “Marcantonio-Bentegodi” de Vérone, “Piksi” inscrit un doublé qui fait plier l’Espagne en huitièmes de finale (2-1). La “Plavi” est stoppée nette le 30 juin 1990, lorsque l’Argentine s’extrait des quarts de finale, au terme d’un match âpre et d’une séance de tirs au but qui voit Faruk Hadzibegic condamner les siens.

La dernière Yougoslavie. (TyC Sports)

Du fait de la guerre, la Yougoslavie est exclue des compétitions internationales. La FIFA suivant une résolution de l’ONU à ce sujet. Finie la République socialiste : place à la République fédérale, qui débarque en terres françaises en 1998 pleine d’ambitions malgré tout. Après deux victoires et un nul mémorable face à l’Allemagne (2-2) en phase de groupes, la sélection est éliminée par les Pays-Bas. Alors que les hommes de Slobodan Santrac tiennent les prolongations, Edgar Davids offre la victoire aux siens à la dernière minute. C’est la dernière performance majeure de cette sélection.

2006 : la nation qui n’existe plus

Nouveau changement de nom : c’est la Serbie-et-Monténégro qui se déplace en Allemagne en 2006. Sous la houlette de Ilija Petkovic, la “SCG” réussit une campagne de qualification héroïque. Serbes et Monténégrins finissent premier du groupe devant l’Espagne avec seulement un but encaissé.

La sélection ambitionne de créer la surprise, dans un groupe C composé de l’Argentine, des Pays-Bas et de la Côte d’Ivoire. Cependant, le 21 mai 2006, le Monténégro proclame son indépendance au détriment de la Serbie par le biais d’un référendum. Une nation qui n’existe plus s’apprête alors à disputer la plus prestigieuse des compétitions.

Pour autant, cet événement n’est pas responsable de la désillusion qui a suivi. Les réponses, il faut les trouver dans la préparation ayant précédé le Mondial. Pris d’un élan patriotique, le sélectionneur Petkovic cite des palabres de Zivojin Misic, général qui a combattu l’Empire Ottoman au XIXème siècle. Nemanja Vidic et Mateja Kezman prennent plaisir à se disputer, tandis que Danijel Ljuboja râle car il n’est pas satisfait de son statut. Que dire enfin du choix de Ilija Petkovic de remplacer Mirko Vucinic, blessé, par Dusan Petkovic, défenseur central… et son fils ? La presse en fait le fils pourri gâté, et il décide finalement de rester chez lui. Un malheur n’arrivant jamais seul, Nemanja Vidic est forfait, blessé au genou.

Ilija le terrible. (EPA)

Difficile alors d’imaginer la “SCG” briller. Battus par les Pays-Bas (2-1) sans gloire, torpillés par l’Argentine (6-0) sans résistance, la Serbie-et-Monténégro s’en remet à la rencontre contre la Côte d’Ivoire pour sauver l’honneur. Trente minutes de qualité permettent aux bleus et blancs de mener 2 à 1. C’est à ce moment que Albert Nadj décide de se faire expulser, juste avant la mi-temps. La Serbie ne fait pas le poids, et finit par plier dans les cinq dernières minutes (3-2).

2010 : la désillusion

Après avoir manqué l’EURO 2008, la Serbie parvient à se qualifier pour la Coupe du monde 2010. Les hommes de Radomir Antic réalisent une campagne de qualification brillante, finissant devant la France de Domenech. Les planètes semblent alignées pour qu’une Serbie expérimentée atteigne, à minima, les huitièmes de finale. Une nouvelle fois, les “Orlovi” vont déchanter.

En ouverture face au Ghana de Milovan Rajevac, le match nul se profile. Zdravko Kuzmanovic boxe de la main un centre des “Black Stars” dans sa surface. Les “Orlovi” concèdent un pénalty, transformé par Gyan à la 85ème minute (1-0). Le deuxième match face à l’Allemagne est le théâtre d’un exploit retentissant. Après une percée dans la défense allemande, Milos Krasic centre pour Nikola Zigic, qui remise pour Milan Jovanovic. L’attaquant du Standard de Liège trompe Manuel Neuer et ouvre le score pour les siens. La rencontre aurait pu basculer à la 59ème minute, lorsque Nemanja Vidic concède un pénalty. Lukas Podolski voit sa tentative repoussée par le décrié Vladimir Stojkovic, élu homme du match. La Serbie s’impose (1-0) et s’offre le droit de rêver.

L’ultime rencontre contre l’Australie vire finalement au cauchemar. Les Serbes attaquent mais ne sont pas récompensés de leurs efforts. Alors qu’ils dominent pendant près de 70 minutes, les “Orlovi” concèdent l’ouverture du score sur une tête de Cahill. Pire, l’Australie double la mise cinq minutes plus tard. Marko Pantelic réduit la marque cinq minutes avant la fin du match, mais rien n’y fait. La Serbie s’est sabordée (1-2) alors qu’elle avait son destin entre ses mains et rentre à la maison tête baissée.

2018 : bis repetita

“Il doit être jugé à la Haye, comme nous, les Serbes l’avons été après la guerre”. Au terme du décrié Suisse-Serbie (2-1), le sélectionneur Mladen Krstajic n’a pas mâché ses mots à l’encontre de l’arbitre Felix Brych. Ce dernier a omis de consulter la VAR alors que Aleksandar Mitrovic, ceinturé par deux défenseurs de la “Nati”, s’écroule au point de pénalty. Une erreur qui a coûté les huitièmes de finale aux “Orlovi” ? Difficile d’imputer ce seul fait de jeu à l’échec de la Serbie.

La Serbie s’est tirée une balle dans le pied avant même le début de la compétition. La fédération est taraudée par le fait que son sélectionneur, Slavoljub Muslin, écarte certains éléments dont Sergej Milinkovic-Savic. Elle prend alors la décision de le licencier 21 jours après avoir emmené la Serbie en Russie. Son adjoint, l’inexpérimenté Mladen Krstajic, est parachuté en tant que numéro 1. Son inexpérience va se faire sentir lorsqu’il décide de retirer le brassard de capitaine à Branislav Ivanovic, au profit d’Aleksandar Kolarov. La justification ? Personne n’y a eu le droit. Ce même Kolarov sauve les siens face au Costa Rica, grâce à un coup franc de 30 mètres qui reste son principal fait d’armes en sélection (1-0).

Face aux Suisses, dès la cinquième minute de jeu, Aleksandar Mitrovic ouvre le score d’une tête bien placée. Puis, la Serbie s’arrête de jouer et laisse “la Nati” revenir dans le match. Granit Xhaka égalise par une lourde frappe à la 52ème minute, avant de mimer l’aigle albanais. Shaqiri trouve la barre à la 57ème minute, 9 minutes avant que Mitrovic soit ceinturé dans la surface… et sanctionné d’une faute pour simulation. Le coup de grâce tombe à la 90ème minute. Alors que la Serbie jette ses dernières forces dans la bataille, Shaqiri est lancé et prend de vitesse toute la défense, avant de disposer de Stojkovic (1-2). L’aigle albanais est reproduit, une célébration qui cristallise encore les tensions chez les supporters serbes.

Plaquage cathédrale. (Zuma Press / Profimedia)

C’est alors que les langues se délient et Luka Milivojevic fustige son sélectionneur en public. “Il avait son opinion, voulait essayer quelque chose, et finalement on a perdu”, déclare-t-il dans l’après-match. Les tensions vont alors augmenter entre les deux hommes. Le mois qui suit la compétition, un des adjoints de Krstajic affirme que l’agent de Milivojevic, Fali Ramadani, voulait organiser un “putsch” pour virer le sélectionneur avant la dernière rencontre contre le Brésil. Des allégations que Milivojevic a toujours nié, bien qu’il ait été écarté de l’équipe nationale. Hormis le tacle de Ljajic sur Neymar, le match contre la “Seleçao” est dénué d’intérêt, la Serbie s’inclinant sans trop y croire (2-1). Une ultime désillusion que la bande à “Piksi” veut rapidement faire oublier cet hiver.

Crédit photo : AP

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