« Si j’étais le sélectionneur de la Serbie, je nous emmènerais au Qatar ». Cette déclaration de Dragan Stojkovic, après la débâcle en barrages pour l’Euro 2020 face à l’Ecosse (défaite aux T.A.B, NDLR), paraît fort de café. Il n’empêche que « Piksi » a vu juste : la Serbie fait partie des 32 nations à disputer la Coupe du monde 2022. Et ce, en terminant premier de sa poule de qualifications.

Avant de prendre en main la Serbie, Dragan Stojkovic a eu une modeste carrière d’entraîneur en Asie. Il commence par prendre en main le club japonais de Nayoga Grampus, où il a achevé sa carrière de joueur. Entre 2008 et 2013, il permet aux siens d’être champions de première division en 2010. Puis de 2015 à 2020, il s’envole pour la Chine afin de diriger Guangzhou R&F. Dans la réflexion qui a amené sa nomination chez les « Orlovi », c’est davantage son statut d’ancien joueur qui a compté, avant celui d’entraîneur.

« Froid comme un Spritz »

Dieu sait qu’être sélectionneur de la Serbie n’est jamais un long fleuve tranquille. 12 techniciens se sont succédés depuis 2006, avec des bilans contrastés. Le 13e, Dragan Stojkovic, est nommé en mars 2021, le jour de son 56ème anniversaire. « Piksi » débarque dans une fédération en crise, blâmée par ses anciens. Dans une lettre ouverte publiée par les médias serbes en novembre 2020, après le barrage perdu face à l’Ecosse pour se qualifier à l’Euro 2020, Nemanja Vidic pointe du doigt « un système destructeur de courte durée, qui use les entraîneurs et les joueurs ». Quel intérêt à « Piksi » de travailler sans cet environnement ? Difficile à dire, mais l’amour de la patrie prend le dessus sur le reste. « Il n’y a pas plus grand honneur que d’être le sélectionneur de son pays », déclare-t-il lors de son intronisation. Il a pour mission de remplacer un sélectionneur dépassé, qui a échoué à qualifier la Serbie pour un Euro, en la personne de Ljubisa Tumbakovic.

Dans ce contexte, Dragan Stojkovic est apparu comme le leader de la sélection. La pression imposée par un manque de résultats satisfaisants, au regard des capacités supposées de l’effectif, est désormais captée par un seul homme. Devant la presse, son calme et sa confiance déconcertent. La double confrontation face au Portugal, pour les qualifications à la Coupe du monde 2022, en témoigne. Au terme du match aller (2-2), Piksi affirme qu’il était “froid comme un spritz” dans les vestiaires à la mi-temps de la finale de groupe contre le Portugal. Avant la finale à Lisbonne, Stojkovic se fend d’une déclaration désormais célèbre en Serbie. Lorsqu’un journaliste lui demande si une éventuelle qualification au Mondial serait son plus grand succès en tant qu’entraîneur, il rétorque : « Mais quel éventuel ? Nous devons aller à la Coupe du monde ! » . La suite, vous la connaissez. C’est un coup de casque d’Aleksandar Mitrovic à la 89e minute pour envoyer les Orlovi au Qatar.

Cette assurance du sélectionneur rejaillit sur ses joueurs. Sur la décennie passée, les “Orlovi” étaient pointés du doigt pour leur manque de caractère et d’implication dans les moments à enjeux. La difficulté à se sublimer face à des adversaires de calibre équivalent, ou supérieur, était un mal connu de tous. Désormais, l’effectif semble transcendé et la gestion en bon père de famille de Stojkovic n’y est pas étrangère. Parfois autoritaire, lorsqu’il déclare lors de son intronisation que ses joueurs soient prêts à « mourir pour le maillot, l’hymne et les armoiries de notre pays ». Parfois protecteur, au plus près de ses joueurs pour leur donner des conseils, parfois même échanger des rires. Dans une interview pour le site officiel de la FIFA avant le match retour contre le Portugal, Sergej Milinkovic-Savic explique : « Il nous donne de l’assurance et c’est ce qui me plaît dans son approche. Il émet toujours des critiques constructives, qui nous aident à progresser. Il n’a aucun mal à fédérer l’équipe ».

« Imposer notre jeu »

Au-delà de son management, c’est par le style déployé par la Serbie que Dragan Stojkovic a séduit le public. Le minimalisme de ses prédécesseurs contraste avec une volonté de progresser par le jeu. L’ancien numéro 10 veut une équipe à son image : technique et audacieuse. “Dès le début des qualifications, nous nous sommes concentrés sur notre jeu. Mon objectif était certes d’obtenir des victoires, mais avec la manière. Nous voulions gagner en pratiquant un beau jeu, moderne, rapide et offensif. C’est ce que les gens attendent quand ils viennent au stade”, a-t-il affirmé pour le site officiel de la FIFA.

Piksi met en place un système à trois défenseurs, déjà utilisé avec succès par Slavloljub Muslin lors des qualifications à la Coupe du monde 2018. Ce choix est imposé par l’absence de latéraux fiables, et la présence de pistons de qualité. Comment imaginer ne pas mettre Filip Kostic, électron libre de l’Eintracht Francfort puis de la Juventus, dans les meilleures conditions ? La meilleure défense ? C’est l’attaque. La Serbie dispose d’une armada offensive qui rendrait jaloux tout autre sélectionneur. Ainsi, Dusan Tadic dispose des clés du jeu. Tantôt à la construction, tantôt à la dernière passe, tantôt buteur, le capitaine de la sélection est omnipotent. Devant, le duo Aleksandar Mitrovic – Dusan Vlahovic fait des étincelles. Le premier est davantage présent dans la surface, tandis que le second possède une position reculée et participe davantage au jeu. Enfin, Sergej Milinkovic-Savic a pris la mesure de son rôle en sélection, sa qualité de passe lui permettant de lancer parfaitement les transitions et de contrôler le rythme.

« Aleksandar » le Grand et le Maradona des Balkans. (MN Press)

Ce déséquilibre assumé vers l’offensive se justifie d’autant plus que le manque d’éléments de qualité en défense centrale est criant. À l’image d’un Nikola Milenkovic qui a du mal à assumer le rôle de leader qu’il devrait remplir. Si Strahinja Pavlovic émerge, ses coéquipiers tels que Stefan Mitrovic et Milos Veljkovic peuvent rapidement exposer leurs limites. Qu’importe tant que la Serbie marque ? Malgré six petits clean-sheets en 20 rencontres, 41 buts ont été inscrits par la bande à « Piksi ». En moins de deux ans sur le banc serbe, Dragan Stojkovic affiche un très bon bilan. Les « Orlovi » totalisent 13 victoires, 4 nuls et 3 défaites toutes compétitions confondues. En prime, elle a été promue en Ligue A de la Ligue des Nations en octobre dernier. Des performances qui ont réveillé un peuple auparavant désintéressé par son équipe nationale.

Le travail entamé par Dragan Stojkovic n’aura de sens que si la Serbie fait une bonne Coupe du Monde. Autrement dit : elle doit, à minima, accrocher les huitièmes de finale, ce qui serait une première depuis le Mondial 1998 en France (à l’époque la RF Yougoslave, NDLR). Dans un groupe similaire à celui rencontré en 2018, composé de la Brésil, de la Suisse et du Cameroun, les « Orlovi » auront fort à faire. Chose que « Piksi » sait très bien. « Nous n’irons pas au Qatar en touristes, mais pour essayer de faire quelque chose dont nous pourrons être fiers. Le premier objectif est d’arriver en huitièmes, même si ce ne sera pas facile. Mais je sais que nous en sommes capables et nous ferons tout pour réussir », a-t-il déclaré pour le site de la FIFA. Espérons que la sélection serbe puisse trinquer avec un spritz bien frais à l’issue de cette campagne au Qatar.

Photo principale : FSS

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