• IL A RECEMMENT ÉTÉ ACCUSÉ D’ENTRETENIR DES LIENS AVEC DES MEMBRES DE LA MAFIA. SLAVISA KOKEZA, ENTREPRENEUR À L’ORIGINE, ÉTAIT MEMBRE DU SNS, LE PARTI PRESIDENTIEL. SES CONNEXIONS AVEC LE MILIEU POLITIQUE LUI ONT PERMIS D’ENTRER DANS LE FOOTBALL SERBE. PORTRAIT D’UN HOMME AUX MULTIPLES FACETTES.

Slavisa Kokeza a eu un parcours de joueur amateur. Après avoir joué au FK Brodarac, il dirige le modeste club de Novi Beograd entre 2011 et 2012, année où il est nommé vice-président de l’Étoile Rouge. Un ascension qu’il doit, en partie, à ses liens avec l’actuel président de la Serbie : Aleksandar Vucic.

Kokeza et Vucic étaient tous deux membres du Parti Radical Serbe (SRS), ouvertement nationaliste. D’ailleurs, l’une des premières apparitions publiques de Kokeza a eu lieu à l’occasion d’une conférence de presse du SRS. Le 30 juillet 2008, il apparait avec un bandage sur la tête et un plâtre au bras gauche, aux côtés d’Aleksandar Vucic et de Tomislav Nikolic. Ces blessures, Kokeza les a contractés en défendant Vucic des coups de la police, lors d’un rassemblement organisé par le parti en soutien à Radovan Karadzic, arrêté le 21 juillet 2008. Le 21 octobre 2008, Vucic et Nikolic fondent le Parti Progressiste Serbe (SNS). Slavisa Kokeza les rejoint, et y occupe des fonctions en tant que membre du conseil.

Capture d’écran / Youtube

En mai 2012, le SNS remporte les élections présidentielles, et Aleksandar Vucic devient ministre de la défense. En novembre 2012, il organise un groupe de travail au sein de l’Etoile Rouge. Le but : stabiliser le club de la capitale, endetté à hauteur de 38 millions d’euros. Slavisa Kokeza prend part à ce groupe de travail, s’occupant des questions sportives. Le mois suivant, lorsque Dragan Dzajic est élu président de Zvezda, Kokeza accède devient vice-président du club. Le magasine « Vreme » écrivait en décembre 2015 que, « jusque la inconnu, [Kokeza] est devenu la figure la plus importante de l’Etoile Rouge, et a été reconnu comme l’envoyé personnel de Vucic afin de ramener le club sur le chemin de la vieille gloire ». L’amitié des deux hommes est de notoriété publique. « Vucic et moi sommes amis », déclara Kokeza pour Mozzart Sport en 2014.

L’ascension de Kokeza prend un nouveau tournant lorsqu’en en 2015, il accède au poste de vice-président de la Fédération serbe de football. Néanmoins, il est contraint de démissionner de ses fonctions à l’Etoile Rouge. Les Delije ont fait pression pour son départ, ce que l’intéressé a toujours nié, lui reprochant sa mauvaise gestion des finances du club. En outre, L’Etoile Rouge avait été interdite de participer à la Ligue des Champions en 2014 suite à des défauts de paiement et un non respect du fair-play financier. La dette du club a explosé : ayant atteint les 51 millions d’euros en décembre 2014, elle a été ramenée à 42 millions d’euros peu avant son départ.

Représentant d’un football en déliquescence

Malgré son bilan contesté du côté de « Ljutice Bogdana », Slavisa Kokeza est devenu l’homme le plus puissant du football serbe. Le 20 mai 2016, il est élu président de la Fédération serbe de football. Son objectif : « créer une atmosphère positive autour, et au sein de l’équipe nationale ». Un échec tonitruant.

Evoquons l’après-qualification à la Coupe du Monde 2018. Slavoljub Muslin, le sélectionneur qui permis à la Serbie d’obtenir sa place en Russie, a été viré le 30 octobre 2017, 21 jours après l’ultime rencontre face à la Géorgie (1-0). À ce jour, l’homme de 67 ne sait toujours pas pourquoi il a été écarté. Pour le remplacer, la FSS opte pour Mladen Krstajic, membre du staff technique qui n’a jamais été officié en tant que numéro un. Sa gestion du groupe, symbolisée par le retrait du capitanat à l’intouchable Branislav Ivanovic, au profit d’Aleksandar Kolarov, a été mal perçue. Cet ensemble d’éléments a créé un climat délétère au sein des « Orlovi », dont la côte auprès du public ne cesse de dégringoler, après l’échec en Russie, et la non-qualification à l’EURO 2020.

Le dossier de la sélection nationale n’est pas le seul que Kokeza n’a pas su gérer. Ces dernières années, le football serbe est confronté à ses vieux démons : la problématique des matchs truqués. En 2018, l’UEFA avait des soupçons sur la régularité de 48 rencontres de SuperLiga. D’autres soupçons se sont confirmés lorsqu’en 2019, la FSS a admis que la rencontre de D2 entre Smederevo et le Kabel Novi Sad (2-1) a été truqué. Dans ce contexte, une tension importante s’est créé autour des arbitres, qui sont la cible de critiques répétées. Ajoutons que les relations entre les deux géants du pays, l’Étoile Rouge et le Partizan, sont extrêmement tendues, et ce n’est pas le silence de Kokeza qui n’arrangera cela.

Slavisa Kokeza (FSS) et Marko Pantelic (vice-président FSS) / StarSport

Dès lors, joueurs et anciens joueurs se mobilisent pour dénoncer la gestion cataclysmique de la FSS. En novembre 2020, Nemanja Vidic a publié une lettre ouverte assassine. « Ce système est destructeur et court-termisme, Il consomme ceux qui travaillent dans le football, utilise les footballeurs et sélectionneurs pour une courte durée, met des personnes avec des intentions douteuses en fonction », peut-on y lire. Réponse de Kokeza : « Je ne veux pas parler de Vidic en tant que joueur, nous savons tous qu’il a eu une belle carrière, et félicitations. Mais je veux parler de Vidic en tant qu’homme, qui n’a rien fait depuis 5 ans, et qui salit l’esprit de tout le monde ». Des propos cinglants qui ont choqué le football serbe, et contribué à isoler le président de la FSS.

Jeux avec des entreprises et liens avec la mafia

En plus de son bilan contesté à la tête du football serbe, Slavisa Kokeza fait parler de lui pour des activités douteuses. D’après le média d’investigation serbe « Insajder », l’entrepreneur s’est associé à un ingénieur : Slobodan Kvrgic, qui détient depuis 2013 la société « Prointer », spécialisée dans le matériel informatique. Cette dernière a remporté près de 150 appels d’offres de l’État entre 2012 et 2016, et a gagné plus de 3,2 milliards de dinars serbes (27 millions d’€). Les connexions entre Kokeza, membre du parti au pouvoir, et le Premier ministre de l’époque, Aleksandar Vucic, ont éveillé les soupçons.

En 2016, la Commission pour la Protection de la Concurrence a ouvert une enquête pour déterminer si « Prointer » a établi un monopole illégal. Une enquête qui n’a pas établi l’existence d’une concurrence déloyale. De même, « Insajder » a révélé que Kokeza a profité d’une des entreprises de Kvrgic pour s’enrichir personnellement. En 2014, il lui achète l’entreprise d’ameublement « Eurosalon » contre 190 000 €. Deux ans et demi plus tard, il revend l’entreprise 915 000 €… au même homme.

Plus récemment, Slavisa Kokeza a été accusé d’entretenir des relations avec Velja Nevolja. Cet ancien membre des « Janicari », et leader du groupe « Principi » des « Grobari » a été arrêté le 4 février 2020. Selon les autorités serbes, ce membre du clan mafieux monténégrin de Kavac, a participé à des activités en lien avec le crime organisé : meurtres, enlèvements et trafics de drogues. En 2016, Nevolja a également tenté d’agresser le directeur général du Partizan, Milos Vazura. Pour avoir passé à tabac son garde du corps, il a été condamné à un an d’assignation à résidence.

Les liens de Nevolja avec le numéro un du football serbe sont révélés le 24 février dernier. À la suite d’un interrogatoire de la police serbe, Aleksandar Kajmakovic, propriétaire de bars et restaurants à Belgrade, a révélé qu’en 2016 Kokeza lui a conseillé à plusieurs reprises de nommer des supporters du Partizan à la sécurité du Casino de Terazije. Sécurité que Nevolja gérait depuis 2020. Le 28 février dernier, le président de la FSS est arrêté par la police. Au cours de l’interrogatoire, il refusa de se soumettre au détecteur de mensonges, malgré le fait que la police serbe doutait de la véracité de ses propos.

Le 4 mars, la presse serbe a révélé que des proches de Kokeza ont volé près d’un million d’euros à la douane serbe, et ont créé une « douane parallèle », permettant des entrées de cargaisons en Serbie sans aucun contrôle. A l’heure actuelle, Kokeza est dans une position intenable, est son avenir au sein de la FSS est compromis. Cet ensemble de révélations fait ressurgir les douloureux souvenirs des années 2000, et des liens entre la criminalité et le football serbe.

By Bojan Stanojevic

Je vois la vie en noir et blanc. Pour le meilleur et pour le pire

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