Quel est le point commun entre tous les clubs énumérés ci-dessous ? Ils ont tous connu leur quart d ’heure de célébrité dans le championnat yougoslave ou serbe, et ont plié boutique. Certains clubs existent encore, mais dans les abysses du football local. Découvrez l’histoire de ces clubs serbes qui n’existent plus.

  • BASK Belgrade 

Il s’agit là de l’un des plus vieux clubs de la capitale. Le BASK Belgrade est fondé en 1903, à l’initiative de 2 hommes dont un, Andra Nikolic, qui deviendra par la suite président du parlement du royaume serbe ainsi que ministre de l’éducation et des affaires étrangères. 

Les prémices de la création du BASK Belgrade remontent à 1899. Andra Nikolic et Hugo Buli fondent « la première association serbe des jeux avec ballon » parmi les « Soko ». Du nom des membres de l’association de gymnastes belgradois, qui deviendra par la suite, le SK Soko et plus tard donc le BASK. La formation s’établit à Topcider, un quartier verdoyant de la ville blanche. 

C’est d’ailleurs dans ce stade que la première rencontre officielle à domicile du Royaume de Yougoslavie aura lieu, contre la Roumanie, qui verra la victoire de la jeune nation yougoslave 2-1 en 1920. 

Lors de la première guerre mondiale, le SK Soko se voit amputé d’une partie de son effectif, envoyé au front en Italie. Ces derniers fondent à Rome le « Soko Pro-Roma », en référence à leur ancienne équipe. Ils remportent la finale de la coupe de Rome et depuis, la formation centenaire ne cesse de revendiquer l’obtention du premier trophée international pour un club serbe. Sauf qu’il s’agit d’un club en exil. À la fin du conflit, nombre de joueurs rentrent au bercail. Comme Svetozar Popović, légende du club et ancien international. Il remportera l’ancêtre de la SuperLiga en 1920 et 1921. Le nom de BASK sera officiellement adopté en 1931. 

Le déclin correspond à la libération par les titistes, puisque le pouvoir en place va créer de nouveaux clubs et surtout appuyer la suprématie des deux actuels géants. Ainsi, le club va végéter dans le second échelon yougoslave des années, avant de faire un bref retour dans l’élite fin des années 1960. 

Il reprend brièvement du poil de la bête vers 2010, enchaînant 2 montées consécutives. Cependant, faute de moyens financiers suffisants, le BASK abandonne sa place de promu en SuperLiga aux dépends de Novi Pazar. 

Aujourd’hui, le club est financièrement très instable. S’il existe toujours administrativement, il évolue aujourd’hui en 4ème division. Relégué la saison passée, le BSK joue désormais ses matchs sur un synthétique de 1500 places situé non-loin de la Save. 

  • FK Šumadija 1903

Fondé peu de temps après le club belgradois, Šumadija dispute son premier match contre… le BASK. Il voit le jour à Kragujevac, grâce à Danilo Stojanovic, surnommé « Čika Dača », qui est aujourd’hui l’actuel nom du stade du Radnicki 1923. 

Les dirigeants et les joueurs étaient connus pour entretenir des sympathies avec le mouvement royaliste serbe, les « Četnik », « Četnici » au pluriel. Cela contribue à créer l’une des plus grosses rivalités du pays à l’époque, entre Šumadija, fidèles au roi et le Radnicki Kragujevac d’obédience communiste. 

Ancienne structure, mais peu glorieuse, la victoire des « partisans » de Tito menace l’intégrité du club. Tout d’abord car nombreux sont les joueurs et salariés à avoir pris les armes avec Draza Mihajlovic (ndlr : chef des Četnici serbes). Ils ont donc disparu lors de la guerre, voir ont été fusillés par les communistes au sortir de la guerre. Ces derniers encouragent forcément le Radnicki dès 1945 et interdisent de facto l’existence d’un second club à Kragujevac. Šumadija va alors être absorbé dans le FK Mladi Radnik, avant de réapparaitre dans les années 1990. Actuellement, le club évolue en 4ème division. Il ne retrouvera jamais le niveau qui a été le sien il y a maintenant un centenaire. 

  • SK Jugoslavija Belgrade

Encore une histoire intimement liée aux précédentes, puisque le SK Velika Srbija, qui veut littéralement dire : « le club sportif de la grande Serbie », naît de la dissidence de certains joueurs du BASK contre leur direction. Le motif ? un match à disputer contre le Hajduk Split en Autriche-Hongrie, en 1913, chose inacceptable pour certains footballeurs. En effet, rappelons que l’empire austro-hongrois se fait menaçant pour les Serbes à la veille de la guerre, ces premiers ayant déjà conquis la Bosnie et Herzégovine peu de temps auparavant.

Les relations entre les deux pays sont exécrables, en témoigne le futur assasinnat de l’Archiduc François-Ferdinand à Sarajevo par un nationaliste serbe, Gavrilo Princip. Une formation qui comme son nom l’indique, prône le retour d’une grande serbie, sur des bases ethniques. Une idéologie forcément incompatible avec celle Austro-Hongroise. 

Danilo Stojanovic, le fondateur du FK Šumadija va lui aussi rejoindre le SK Velika Srbija en 1913.
Lors de la première guerre mondiale, le SK Velika Srbija va suspendre ses activités avant de revenir en 1919, sous le nom SK Jugoslavija Belgrade.

Un changement de nom imposé par la réalité géopolitique. Puisque le Royaume Serbe est désormais le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Si vous avez bien suivi, la question suivante émergera donc dans vos esprits : « mais pourquoi s’appellent-ils SK Jugoslavija si dans le même temps, ils se revendiquent nationalistes ? ». Car à l’époque, l’union symbolisait la récupération de certains territoires comme la Krajina, ou même la Bosnie, grâce au traité de Saint-Germain-en-Laye. Des territoires fortement peuplés d’orthodoxes. Mais aussi la Macédoine, grâce au traité de Neuilly, où nombre de Serbes vivaient et continuent d’y vivre. La majorité des patriotes étaient donc favorable à l’idée du Royaume de Yougoslavie. 

Cette période est faste pour le SK Jugoslavija puisqu’il remporte 2 championnats en 1924 et 1925 mais aussi 2 coupes en 1936 et 1939. Une structure bien installée donc dans l’élite du football local, mais la seconde guerre mondiale va venir chambouler les plans des Belgradois. 

Le pays étant sous occupation allemande, plus aucun match ne se joue. Toutefois, le club de Stojanovic continue de disputer quelques rencontres amicales durant la guerre, se renommant par ailleurs SK 1913. Ce, afin de gommer toutes traces nationales et se plier aux ordres du Reich.

La triste fin survint en 1945. Alors que le pays sort de la guerre, les vainqueurs de Tito dissolvent le SK 1913 et se saisissent des infrastructures, redistribuées à l’Étoile Rouge. Pourquoi ce jugement ? Tout simplement car le pouvoir dénonce ces rencontres disputées lors du conflit et reproche une collaboration active. Ils sont donc considérés comme des traitres. Mais comme on dit… qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. 

  • Obilić Belgrade 


Là encore, on a l’une des plus anciennes formations belgradoises. Basée à Vracar et crée en 1924, l’équipe porte le nom de Milos Obilic. Un chevalier au service du Prince Lazar, connu pour avoir opéré en 1389 lors de la bataille du Kosovo Polje. Une bataille ô combien importante pour l’histoire du pays. Il y perdit la vie, décapité, après avoir tué le Sultan ottoman Mourad 1er. 

Le club ne connait ses premiers succès que dans les années 1990. Logique, puisque malgré son ancienneté, il est banni sous Tito. Son nom exaltait trop l’âme serbe, au détriment de la nation yougoslave. Il est cependant réhabilité en 1952, suite à des pourparlers actifs avec le gouvernement. Quoi qu’il en soit, leur niveau restera modeste jusqu’à l’arrivée d’un homme essentiel en 1996, Arkan. 

Arkan, de son vrai nom Zeljko Raznatovic, rachète l’Obilic en 1996 et fait entrer l’équipe dans une nouvelle dimension. Fort de ses opérations militaires pendant le conflit yougoslave, l’homme prend du galon dans la politique serbe. L’ancien mafieux et chef des ultras de « Zvezda » est assis sur une fortune inestimable. Malgré son passif, il bénéficie de la reconnaissance d’une écrasante partie de la population. Il a donc les mains libres pour s’amuser dans les affaires sportives du pays en tant qu’homme d’affaires et politicien désormais respectable. 

En une année seulement, ses nouveaux protégés sont promus en SuperLiga et remportent le championnat dans la foulée. Un véritable exploit étant donné les performances du Partizan et de l’Étoile Rouge depuis des décennies. 

Ils affronteront en Ligue des Champions de grands noms du football européen comme le Bayern Munich en 1999. En parallèle, l’UEFA menace l’équipe d’une suspension de toutes compétitions européennes, en raison du passif de criminel de guerre du président. Chaque problème a sa solution. Il offre le poste à sa femme Svetlana, plus connue sous le patronyme de Ceca, et le tour est joué. 

Le journaliste Franklin Foer a prouvé après enquête, que le sulfureux dirigeant avait pour habitude d’effrayer les joueurs adverses pour les empêcher de marquer. Beaucoup de footballeurs recevaient des appels anonymes, les menaçant d’une balle dans le genou. Aussi, de nombreuses rumeurs de matchs arrangés ont longtemps plané au-dessus de l’équipe. Pire encore, des affaires de séquestrations sont venues entachées leurs résultats sportifs trop miraculeux. Nikola Lazetic, ancien footballeur de Vojvodina, raconte qu’il a été enlevé, enfermé dans un coffre de voiture, et ce afin de le faire signer de force à l’Obilic. Ce qui peut aussi expliquer les succès soudain des Belgradois. 

Le meurtre de Zeljko Raznatovic combiné aux premières difficultés financières et pénales de la néo-présidente va coïncider avec le déclin. En 2003, elle est arrêtée dans une affaire de possession d’arme, dans le cadre de l’assassinat de l’ancien premier ministre Zoran Djindjic. Plus tard elle fut mise en examen pour corruption et prises illégales d’intérêt lors de transferts de joueurs. En 2005, le club est relégué en PrvaLiga et en 3ème division une année après. On n’entendra plus jamais parler de l’Obilic Belgrade. Du moins, pour ses activités sportives. La structure est officiellement dissoute en 2015.

  • FK Bežanija 

 
Localisé à « Novi Beograd », le FK Bezanija a vu le jour en 1921. Club relativement modeste jusqu’en 2006, il bénéficie tout de même d’une histoire particulière. En effet, lors de la seconde guerre mondiale, il a été « croatisé » du logo au nom, intégré de force à l’éphémère ligue croate et ce, malgré le fait que des Serbes y jouaient encore. Le club a alors été rebaptisé « HSK » pour Hrvatsa Sport Klub (ndlr : Croatie Sport Club). Aussi, les rouges et bleus ont formé quelques joueurs notables tels que Milan Bisevac ou encore Antonio Rukavina.

Par ailleurs, les « lavovi » (ndlr : lions) vont végéter une bonne partie de leur existence dans les divisions inférieures avant de monter pour la première fois en SuperLiga en 2006. Ils décrochent alors une inespérée 4ème place qui offre un premier tour de qualification en UEFA aux rouges et bleus. Une rencontre qui s’est soldée par une élimination contre les Albanais de Kavaje. La formation retrouve très rapidement les divisions de seconde zone, mais arrive tout de même à se stabiliser en PrvaLiga. Hélas, encore en seconde division l’an dernier, le club a été contraint de déposer le bilan, faute de fonds. 

Évoluant désormais au 6ème échelon du football serbe, Bezanija tente de se reconstruire. Ils ont récemment fait parler d’eux en recrutant en la qualité d’analyse vidéo Andrej Pavlovic. Un parfait inconnu recruté grâce au jeu Football Manager. Considérant les finances de Bezanija, c’est bien évidement bénévolement qu’il officie. Enfin, son histoire reprise aux 4 coins du globe a permis l’arrivée d’un sponsor, « IELTSPodcast.com », une école en ligne britannique. Tout reste à reconstruire pour les « lavovi ».

  • FK Naša Krila Zemun

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette équipe n’a pas laissé une trace impérissable dans le football local. Si vous ne la connaissez pas, rassurez-vous, c’est tout à fait normal. Le Naša Krila Zemun n’a existé que pendant 3 courtes années, entre 1947 et 1950. Il s’agissait de l’équipe de l’armée de l’air yougoslave. Après 2 années dans l’élite et une 6ème place flatteuse, au terme de la saison 1949-1950, la formation se dissout. Les joueurs partent naturellement au Partizan, étendard de la JNA. (ndlr : Armée populaire yougoslave)

By Sacha Tisic

Journaliste. Je n'ai confiance qu'en mon Desert Eagle et en Mitrović dans les arrêts de jeu.

Laisser un commentaire