À l’occasion des 30 ans du tristement célèbre Dinamo – Zvezda, Fudbalski Hram ne pouvait pas rester insensible à la vague d’informations plus ou moins vraies véhiculées. Nous avons donc décidé de lister quelques faits, érigés en vérité, alors qu’ils sont bien souvent tronqués voir totalement faux.
1 – Ce match acte le début de la guerre
En voilà une belle ! Pour certains « spécialistes », les guillemets sont de rigueur, ce match aurait été le déclencheur de la guerre serbo-croate. Une belle ineptie qu’il convient de déconstruire.
On a tendance à surestimer ce match pour plusieurs raisons. Premièrement, le Dinamo a toujours été le principal rival de Zvezda. Aussi bien sportivement, que dans les tribunes. Les émeutes liées à ce match relèvent davantage du hooliganisme que d’autre chose. Les affrontements avaient commencé très tôt dans la journée, dès 8 heures du matin. Aucune camera pour filmer l’escarmouche matinale entre « Delije » et « Bad Blue Boys ». Ce qui d’une part discrédite la thèse du complot politique, et renforce d’autre part, la thèse d’un simple affrontement entre bandes hooligans rivales.
Tudjman était présent en tribunes, mais étant un fervent supporter du Dinamo, c’était un habitué des travées du Maksimir. Rien de bien nouveau sous le soleil. Par ailleurs, l’ancien chef d’état croate est rapidement désavoué par les BBB. Celui-ci voulant gommer le patronyme de « Dinamo », trop socialiste à son goût. Les supporters ne l’entendent pas de cette oreille et organisent une fronde contre l’ancien président.
On surévalue le rôle de Tudjman dans ce match, qui n’est alors qu’un spectateur comme un autre. Nouveau président de la Croatie autoproclamée, mais pas encore question de quitter l’union. Il ne maitrise rien du déferlement humain incontrôlable sur la pelouse du Maksimir.
2 – Milosevic a joué un rôle prépondérant dans les incidents
Là encore, on se met le doigt dans l’œil jusqu’à l’os. Nombreux sont les pseudo-experts à parler du rôle machiavélique de Milosevic dans ce match. « Le nationalisme de Milosevic a fait dégénérer la rencontre » peut-on parfois lire à droite à gauche. Premièrement, l’ancien chef d’État yougoslave n’était pas présent en tribune, et ensuite, il n’était que très peu féru de football.
Aussi, Milosevic ne faisait pas l’unanimité. C’est le moins que l’on puisse dire. Usés par des années de communisme, le peuple serbe voyait surtout en Milosevic un nouvel apparatchik de l’appareil d’État. Un opportuniste. Il ne devait son influence qu’à certaines personnes, dont Arkan. Sa gestion très hasardeuse du conflit le prouve. Milosevic, malgré son rang, n’était qu’une marionnette. Ne lui prêtons pas un rôle, et des qualités qu’il n’avait pas.
3 – Les Delije, menés par Arkan, ont prêté allégeance aux Tigres
Premièrement, il est faux de parler des Delije comme une entité homogène, puisqu’elle regroupe en réalité plusieurs groupes. Parmi eux, les « Zoulous Warriors », les « Orlovi » ou les « Red Devils »
L’organisation « Delije » ne voit le jour qu’en 1989, le 7 janvier. Le leader ne s’appelle pas Arkan mais “Sima”. Zeljko Raznatovic n’était que peu présent aux matchs. Il s’occupait surtout de tenir des permanences pendant la guerre, près du Marakana, pour enrôler des volontaires dans sa milice, les tigres d’Arkan.
Par ailleurs, Zeljko Raznatovic n’était pas présent lors du match au Maksimir, discréditant une thèse populaire. Celle de sa planification et de la participation aux émeutes de 1990. C’était un chef de guerre, pas un ultra passionné, ni même un adepte de cueillette de champignons à la « Hools ».
Enfin, les « Delije » auraient tous rejoint par la suite la garde des volontaires. Faux, bien évidemment. Affirmer cela, c’est occulter toutes les autres milices serbes qui recrutaient à tour de bras durant cette période. Par extension, rien ne permet d’affirmer que les 3000 ultras de Zvezda présents ce jour-là sont devenus miliciens. Puisque rappelons-le, l’Étoile Rouge rassemblait les foules de Macédoine, jusqu’en Slovénie.
Donc non, Arkan n’a joué aucun rôle dans ce match. En revanche, on peut y retrouver une personnalité assez connue de la scène politique locale, en la présence d’Aleksandar Vucic.
4 – Zvonimir Boban, héros du nationalisme croate, vraiment ?

Il s’est rendu célèbre lors de cette rencontre, pour son coup de pied sur un policier, qui chargeait les « Bad Blue Boys ». Côté Croate, il a été hissé au rang de héros national. Côté Serbe, décrié comme un nationaliste et un anti-Yougoslave patenté. Au risque de décevoir les sensationnalistes, aucune de ces allégations sont vraies.
Tout d’abord, il a voulu venir en aide à quelques ultras de Zagreb, matraqués au sol par la police yougoslave. « Nous étions trois fans de Zagreb matraqués à terre. Boban l’a vu et a voulu intervenir en nous aidant. La police l’a attaqué aussi et il a réagi à sa façon. » confie l’un d’entre eux. Après coup, Boban déclare ne pas avoir compris la différence de traitement entre les agitateurs des deux camps.
Ensuite, il n’est pas un nationaliste farouche, ni même un anti-Yougoslave, puisque celui-ci a continué de jouer avec la sélection, après sa longue suspension liée à l’attaque du policier. Par ailleurs, on s’est souvent demandé si ce « high-kick » avait une connotation politique, ou même symbolique. Aucune, le geste n’était pas prémédité et la cible était un policier bosniaque, du nom de Refik Ahmetović. Toutefois, conscient de la popularité capitalisée grâce à ce geste, il affirma qu’il « était prêt à risquer sa vie pour la cause croate. »Une belle hypocrisie.
5 – Et Hajduk Split – Partizan Belgrade dans tout ça ?
Un aspect négligé. S’il fallait retenir qu’un seul match représentatif des tensions ethniques de l’époque, alors, ce Hajduk – Partizan aurait infiniment plus de sens. Disputé le 26 septembre 1990, ce match, lui aussi, n’est pas allé à son terme. Les messages y étaient grandement plus politisés. Drapeau Yougoslave brûlé, drapeau croate hissé fièrement, sans oublier le drapeau américain planté au milieu de la pelouse.
Lors de l’envahissement du terrain de la « Torcida Split », le but même était de changer les oriflammes ornant le stade. Les Grobari n’ayant pas fait le déplacement. Tout un symbole.