Ilija Ivic va donc être le premier joueur serbe à vêtir le maillot jaune et bleu de la sélection kosovare. Celui-ci évoluera en équipe U19. À Belgrade, l’annonce a fait l’effet d’une bombe. Qui est ce jeune footballeur, quelles sont les conséquences de sa décision et quelles sont les problématiques posées par ce choix controversé ?
Ilija Ivic à 16 ans. Il voit le jour à Pristina en 2003, une époque où la guerre se fait encore ressentir et où la pauvreté fait partie intégrante du quotidien au Kosovo. Pour Serbes et Albanais. Pas facile alors de percer dans le football dans une période peu enclin à ce genre d’évènements.
Le talentueux défenseur central du FK Flamurtari, formation de Pristina, étonne de par sa précocité et sa sérénité. Pourtant, les sélections des jeunes aigles blancs n’ont jamais manifesté leur intérêt quant à la pépite. C’est donc fin février que le résidant de Gracanica (Kosovo) opte pour la sélection kosovare. Reconnue par l’UEFA en 2016 et par la FIFA quelques mois plus tard.
Son profil ressemble à s’y méprendre à ce qui aurait pu devenir un nouveau Vidić. Rugueux sur l’homme, fort physiquement, propre techniquement, à 16 ans il a déjà fait son apparition dans le groupe professionnel du FK Flamurtari et vient de signer son premier contrat de footballeur. Très précoce le garçon.
Son désormais nouvel entraineur en U19, et ancien joueur du Partizan, Ramiz Krasiniqi a déclaré à son sujet : « Il est l’un des plus grands talents de la région. Il joue défenseur central. C’est un joueur de grande taille, très intelligent et un gars qui a montré qu’on pouvait compter sur lui lors des matchs. En tant qu’entraîneur de l’équipe nationale de moins de 19 ans, j’ai regardé quelques matchs et j’ai aimé Ilija en tant que joueur et en tant que personnage ».
Les jeunes aigles blancs vont peut-être ronger leur frein quand Ilija Ivic aura potentiellement convaincu tous les observateurs du football des Balkans.
Les conséquences extra-sportives
Le choix du natif de Pristina a forcément des conséquences extra-sportives. Sa mère travaillait au centre culturel de la ville de Gracanica, poche de Serbes, à proximité de Pristina. Elle a été licenciée, rapporte le site d’investigation spécialisé sur l’Ex-Yougoslavie « Balkan Insight ». En revanche, son père confirme à « Voice of America » qu’il a bien conservé son emploi dans une école contrairement aux rumeurs véhiculées par certains médias. Une information confirmée par « Balkan Insight ».
À Belgrade, le choix de Ilija Ivic passe mal, très mal. Le site internet « Danas » titrait à ce su-jet : « Voici le premier joueur à jouer pour le faux état du Kosovo ». « Kurir » lui titrait sensiblement la même chose : « Quel choc ! un serbe accepte de jouer pour l’auto-proclamé état du Kosovo ». Ils sont nombreux à prêter des qualités de traitre au jeune joueur, désormais « Kosovar ».
Il est bien intégré dans le groupe et je ne vois pas de problème à accueillir un joueur d’une autre communauté
Les problématiques ethniques sont nombreuses pour Ilija Ivic. Il est le seul joueur ethniquement serbe à évoluer dans le championnat Kosovar. Et il sera probablement pour le moment l’unique serbe en sélection. Pour le moment seulement puisque la fédération kosovare de football a pour but d’enrôler des jeunes aigles blancs pour les faire jouer avec l’équipe nationale du Kosovo. Concernant ce poids, lourd à porter, il a déclaré : « la pression est énorme mais il n’y a que le football qui compte ».
Son entraineur à Pristina, Arbnor Morina a lui aussi réagit aux pressions communautaires des deux camps : « Il est bien intégré dans le groupe et je ne vois pas de problème à accueillir un joueur d’une autre communauté ». L’ambassade des États-Unis au Kosovo s’est même félicitée de la nouvelle avec un tweet : « la politique n’a pas sa place dans le sport. C’est le moment de célébrer la diversité ».
Son avenir à Gracanica, enclave serbe du Kosovo, parait bien sombre. Comment Ilija Ivic, va-t-il revenir au village sans être vu comme un traitre ? Comment ses parents vont-ils pouvoir vivre paisiblement dans leur village alors même que sa mère vient d’être virée de son travail. Comment Belgrade va-t-il réagir en représailles à cet affront ? Autant d’interrogations qui restent entières mais qui se poseront très probablement dans les semaines à venir.
En tout cas, si ce débauchage est une manœuvre « géo-sportive », celle-ci est réussie. La fédération kosovare aura réussi à faire enrager Belgrade, à faire virer indirectement la mère du joueur en question et à mettre la main sur une pépite serbe. Cette situation ne peut profiter qu’au Kosovo, qui avec cette affaire, joue encore une fois le bon rôle et engrange du capital sympathie.