Si les recensements ethniques sont perpétuellement remis en cause, on estime à environ 12 000 le nombre de Serbes vivant à Mitrovica nord (Kosovo), sur les 80 000 habitants établis dans le district de « Kosovska Mitrovica ». Un déséquilibre démographique qui pousse au regroupement. De l’autre côté du pont, côté nord, les loisirs sont maigres, la pauvreté est prégnante et le manque de considération de Belgrade, flagrante.
Fondé en 1932, le FK Trepca est le club du Kosovo au passé le plus glorieux. Crée par des ouvriers de la « Trepca mines », il évolue régulièrement en seconde division yougoslave et se paye même le luxe de la remporter en 1977. Ils connaissent par la même occasion leur première montée en première ligue.
Jadis, une fierté régionale
Finaliste 1 an plus tard de la coupe, il totalise aussi 5 titres de champion de 4ème division. Un palmarès modeste certes, mais qui le place au rang de meilleure équipe yougoslave de la région. Pour cause, la plupart des formations de la zone évoluent dans la « Kosovo province ligue », autrement dit le 4ème échelon yougoslave.
Le FK Trepca dispose à l’époque d’un stade de 18 500 places assises, à l’architecture typiquement socialiste, et qui a accueilli 35 000 supporters lors d’une rencontre Yougoslavie – Roumanie. Comptant pour les qualifications de l’Euro 1980. Les premières tensions dans la zone vont avoir raison du FK Trepca, qui va retomber dans l’anonymat du fait de la dislocation de l’équipe.
Les joueurs albanais quittent le navire en 1991 et fondent le FK Trepça qui fait immédiatement main basse sur le « Trepca stadion ». Ce schisme intervient parallèlement à la création d’un championnat du Kosovo, non reconnu par le pouvoir fédéral.
Lors d’une enquête réalisée par le New York Times en 2016, Petar Milosavljevic, l’ancien secrétaire du club, a déclaré à propos du stade : « C’est ma maison, je pleure quand je vois ça (ndlr : le KF Trepça s’entrainer sur leur ancien stade) ». Parmi les dommages collatéraux de la guerre : le FK Trepca.
Le tournant de la guerre
La guerre aura plusieurs effets immédiats tels que la perte de leur antre, la désintégration du groupe professionnel et des questionnements quant à la ligue dans laquelle le FK devait évoluer. Si les réponses à ces interrogations semblent aujourd’hui simples, le droit international d’une confusion sans nom à l’époque, incite à spéculations.
La résolution 1244 de l’ONU, adoptée le 10 Juin 1999, réaffirme la souveraineté de la République fédérale Yougoslave et éclaircit par la même occasion bien des zones d’ombres. Le club de Mitrovica nord peut donc bien jouer dans le championnat yougoslave, serbe-monténégrin et serbe par la suite. Toutefois, il a perdu de sa superbe et de ses capacités de financements. L’explosion successif des différents modèles d’états « post-Tito » vont affaiblir la formation sur l’aspect économique. Et donc sportif.
En 2017, So Foot rapporte que l’équipe dispose d’un budget annuel de 800 000 dinars. Soit 6500 euros. Pas de quoi faire des folies sur le marché des transferts. Un employé communal et accessoirement « salarié » avait confié, toujours à So Foot : « L’État ne donne rien. La ville couvre en revanche le transport, les repas et l’organisation des matchs. Les joueurs et entraîneurs ne sont payés que de temps à autre, quand des amis du club font une donation.
Le véritable coup de massue réside indéniablement dans la perte du stade. Fierté autrefois de la communauté serbe de Mitrovica, qui a vu naitre les succès du FK Trepca. Divisé en deux durant la guerre, le stade se trouve dans la partie sud, et devient de facto chasse gardée du nouveau club albanophone. Celui-ci le renomme « stade olympique Adem Jashari ». Du nom de l’ancien criminel de guerre et officier de l’armée de libération du Kosovo (UCK), responsable de milliers de morts et de déplacés. Bonne ambiance.
Au New York Times, Strahinja Jevtic, ancien défenseur de l’équipe, aujourd’hui résident à Belgrade et désormais hors du sérail, déclarait : « Ils ont pris notre club ».
Orphelins de leur maison, les joueurs de Trepca ont trouvé refuge à Zvecan, à 5 km de leur base. Ils occupent le Zvecan stadion, de 3000 places et dont la vétusté dépasse tout entendement. On en viendrait même à trouver des airs de San Siro au stade olympique de Trepca. Orné de fresques à la gloire du Kosovo serbe et de gradins tricolores, le Zvecan stadion est devenu le refuge d’une jeunesse en quête d’évasion.

Du football contre les pressions politiques
Dans les quelques loisirs offerts, le football occupe une place majeure dans la vie quotidienne des Serbes. Petits et grands, ils viennent pour beaucoup taper dans le cuir à l’occasion ou régulièrement. Parfois aussi pour voir évoluer l’équipe sénior. Celle-ci est composée de joueurs quasiment tous nés vers Mitrovica. Le FK Trepca est actuellement en 3ème division serbe, dans la conférence Ouest. Classé 10ème sur 18, leur place semble assurée dans le 3ème échelon pour l’an prochain. Toutefois, les pressions émanant de Pristina sont nombreuses. Elles n’entravent cependant pas la détermination des joueurs.
En Juin 2019, la fédération kosovare de football a menacé ouvertement le club de Mitrovica nord. Alors que celui-ci faisait son retour dans en 3ème division, 17 ans après, la fédération a interdit au club d’évoluer dans ce championnat. C’est le site sportif Kurir qui rapporte l’information. Dans un communiqué, les principaux intéressés se sont expliqués quant à la nature de la décision : « La Fédération kosovare est la seule organisation compétente qui organise, gère et réglemente les compétitions de football sur tout le territoire de la « République du Kosovo ». Avant d’ajouter que « le Kosovo est devenu membre de l’UEFA et de la FIFA en 2016 et s’adressera à l’UEFA ». Malgré tous les moyens mis en œuvre par Pristina, le FK Trepca fera bien son entrée en conférence ouest.
Pour rappel, la Serbie ne peut pas rencontrer le Kosovo lors d’une rencontre de football. Des dispositifs mis en place par l’UEFA pour prévenir toutes sortes d’incidents, comme ceux survenus lors d’un certain Serbie – Albanie. Enfin, cette disposition a surement influé dans le choix de l’UEFA d’autoriser l’équipe de Mitrovica nord de jouer dans une ligue serbe.

Toujours en 2019, en octobre, cette fois-ci lors d’un match de coupe nationale opposant l’Étoile Rouge à Trepca, qui devait se dérouler dans le « Zvecan stadion », les autorités locales ont refoulé les coéquipiers de Milan Pavkov à la frontière. Erold Salihu, patron du football kosovar s’est confié à RTS sur son choix : « il n’y a jamais eu de compétitions au Kosovo chapeautées par la Fédération serbe. Nous autoriserons toujours la venue de l’Étoile Rouge ou du Partizan pour des matches amicaux ou à caractère humanitaire ».
Zvezdan Terzic, directeur général de Zvezda lui a répondu dans la foulée : « Nous avons été interdits d’entrer en dépit des recommandations de la FIFA d’autoriser la tenue du match. Les institutions du Kosovo sont restées sourdes à cette recommandation ».
Face aux pressions politiques, le FK fait preuve de solidarité. Ils reçoivent parfois des kits de sport venant du pays, comme lorsque l’Étoile Rouge était venue les bagages remplis de cadeaux. Mais cela reste maigre pour assurer la pérennité d’une équipe source de salut pour les Serbes de Mitrovica.