Lors de la saison 1965-1966, le Partizan Belgrade soufflait sa 20ème bougie. Pour fêter cela, les « Partizanove bebe » s’offraient un parcours incroyable en Coupe des Clubs Champions, le premier du genre pour un club d’Europe de l’est.
Il est le premier buteur de l’histoire du Partizan, mais il a dû stopper sa carrière en raison de problèmes cardiaques. Florijan Matekalo a tout de même réussi à marquer son empreinte dans l’histoire « crno-beli ».
L’ancien milieu a été placé à la tête de l’école de football, posant les bases d’une des formations les plus réputées en Europe. Reconnu pour sa pédagogie auprès des plus jeunes, Matekalo a contribué à former des éléments importants de la génération des « Partizanove bebe ».
Tout pour la jeunesse !
Cette équipe commence à s’affirmer au début des années 1960, une quinzaine d’années après la création du JSD Partizan. Rares sont les succès sur la scène nationale durant cette courte période, et ce, malgré un effectif composé de grands joueurs yougoslaves. La direction décida alors de faire confiance à sa jeunesse, et cette stratégie va payer : de 1960 à 1965, seul un titre échappe au Partizan.
En 1965, il ne s’agit plus exclusivement de jeunes talentueux. Aux moins expérimentés s’ajoutent des joueurs confirmés, le meilleur d’entre eux étant surement le libéro au tempérament de feu : Velibor Vasovic. Cette saison-là, « Vaske » signe son grand retour après une saison à l’Étoile Rouge. Un désaccord avec la direction du Partizan l’a poussé à signer pour le rival deux ans auparavant, avec un gros salaire à la clé.
Son retour ne fera pas l’unanimité dans le vestiaire, certains joueurs refusant même de jouer en demandant la même rémunération, sans obtenir gain de cause. Vasovic est accompagné sur sa gauche par le rugueux Branko Rasovic, et sur sa droite par le latéral offensif Fahrudin Jusufi. L’habile Milutin Soskic constitue le dernier rempart.
Milan Galic est l’attaquant star de la Yougoslavie, mais il ne fera pas partie du gros de l’épopée. Après le premier tour remporté face au FC Nantes, Galic est contraint de réaliser son service militaire. Abdullah Gegic, l’entraîneur de l’époque, le remplace par le Slovène Pirmajer, qui accompagne Hasanagic et Kovacevic sur le front de l’attaque.
Un parcours fait d’exploits
Qu’on se le dise, ce Partizan était loin derrière les cadors européens existants. C’est par le jeu déployé que les yougoslaves se sont démarqués, grâce aux automatismes établis depuis des années. Rien de mieux pour acquérir de la confiance avant d’affronter un adversaire « Nous avons battus nos rivaux parce que nous avons joué ensemble pendant des années. Ce qui semble inimaginable à faire aujourd’hui, nous paraissait naturel », analyse Mustafa Hasanagic pour « Mozzart Sport ». Au second tour, 3 buts dans le dernier quart d’heure au JNA Stadion suffisent à balayer le Werder Brême, champion d’Allemagne, au second tour.
Pour les quarts de finale, les « crno-beli » tombent sur le Sparta Prague, dont l’effectif était composé de joueurs ayant permis à la Tchécoslovaquie d’accéder aux demi-finales de la Coupe du Monde 1962. Soskic, malade, n’est pas du voyage : c’est donc son remplaçant, un certain Ivan Curkovic, qui prend le relai. Ce dernier vit un cauchemar à Prague, où il encaisse 4 buts. La tâche se complique pour les bébés, les supporters ne s’écroulent pas pour autant.
Pour le magazine « Karavan », Velibor Vasovic se souvient. « L’un des facteurs de notre victoire a été le public. Avant le match retour, nous sommes tous allés en préparation à Avala où nous n’avons pas ressenti l’atmosphère en ville, qui était palpable avant ce match » déclare t-il. Dans un stade belgradois bondé, l’adrénaline monte et transcende les joueurs, qui vont offrir à leurs fans un festival offensif. Kovacevic ouvre le score dès la 4ème minute et montre la voie à ses coéquipiers, qui réussissent à refaire leur retard à la mi-temps. Mustafa Hasanagic inscrit le but victorieux à 20 minutes du coup de sifflet final, permettant à son Partizan de faire une « remontada » avant l’heure.

L’euphorie règne alors dans le pays du maréchal Tito, et les titres de presse de l’époque sont unanimes : le Partizan est une grande équipe, capable de renverser n’importe quel géant. « Nous ne réfléchissions pas à ce que nous aurions au tirage, car tous les clubs restants étaient plus forts et venaient de pays plus puissants que le nôtre. Nous étions guidées par l’idée de les battre » se souvient Mustafa Hasanagic pour Mozzart Sport. La prochaine montagne s’appellera Manchester United, celui de George Best, Matt Busby et Bobby Charlton, qui obtient le ballon d’or à la fin de cette année 1966.
Pas de quoi effrayer un effectif aux fortes têtes, malgré quelques tensions dans un vestiaire laissé en quasi-autogestion par Gegic et Popescu, le directeur sportif. « L’équipe ne les écoutait pas, mais plutôt Vasovic et Jusufi ! » souligne Rasovic pour « Mozzart Sport ». Au sein de l’équipe, des clans menés par l’un ou l’autre des deux défenseurs se forment, sans pour autant altérer les performances de l’équipe. « Nous regardions l’intérêt pour l’équipe. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, où chacun suit sa politique » explique l’ancien “crno-beli”.
L’aller se déroule dans un JNA Stadion comble. Les « crno-beli » réalisent un nouvel exploit, en s’imposant 2-0. Le milieu défensif Radoslav Becejac a inscrit le second but peu avant l’heure de jeu. « Je n’étais pas un joueur qui cherchait à marquer. Aujourd’hui, si vous me le demandez, je ne sais pas pourquoi j’étais dans la surface de réparation. Je me souviens juste que Vasovic a balancé le ballon » se souvient-il pour « Mozzart Sport ».
Cette rencontre fut marquée par de nombreux contacts, à la limite de la régulière. En témoigne cette anecdote de Branko Rasovic sur George Best, pour « Novosti » : « Il a été quelque peu incorrect lors d’un duel, je lui ai alors tiré les cheveux. Nous en avons ris deux secondes et nous nous sommes serrés la main. Il n’a pas joué au match retour, et c’était très bien comme ça. » En effet, les yougoslaves ont été en difficulté en Angleterre, et se sont reposés sur leur défense. Pour sa prestation de haut niveau, Rasovic est surnommé le géant d’Old Trafford par la presse anglaise.
« Ils étaient stupides, ils centraient à 30 mètres des buts. S’ils passaient dans le dos de la défense, cela aurait été plus difficile » se moque-t-il pour « Mozzart Sport ».
Derrière lui, Soskic a sauvé les siens à plusieurs reprises, tout en étant malmené par les fans mancuniens. L’un d’entre eux lui a même jeté un sandwich, emballé dans de la cellophane. La suite, Soskic la raconte en une anecdote pour « Mozzart Sport ». « Je ramasse le sandwich, je l’ouvre et mange une bouchée. Ensuite je l’embrasse et je le laisse au premier poteau. A ce moment, la négativité autour de nous s’est arrêtée. Incroyable » confie Soskic.
Une finale royale…avec une classe d’écart
Pour la finale de la Coupe des Clubs Champions, qui se déroule au stade du Heyssel, le Partizan affronte le grand Real Madrid. Pour cette rencontre très spéciale, Milan Galic est libéré par les officiers de l’armée pour épauler ses coéquipiers. Une aide relative, puisqu’il est compliqué d’être performant sans avoir joué 7 mois.
La rencontre est plutôt équilibrée, les deux équipes se procurent de franches occasions. Cet équilibre se traduit par un score nul et vierge à la pause. Une dizaine de minutes après le retour des vestiaires, Velibor Vasovic décroche une tête sur un corner, et permet aux siens d’ouvrir le score. Alors, les avis divergent quant à la conduite à tenir jusqu’au coup de sifflet final.
Si « Vaske » demande à ses coéquipiers de se regrouper derrière puis contrer en balançant le ballon loin devant, son supérieur considère qu’il faut continuer à jouer haut pour marquer le second but. Malheureusement, le Partizan va déjouer et voir ses rêves s’envoler. Sur une contre-attaque madrilène, Vasovic est au duel avec Amancio, qui le fait tourner en bourrique. « Vaske, détruis-le ! » hurle alors Soskic. Rien n’y fait, le Real égalise.
« Beaucoup m’ont demandé après pourquoi je n’ai pas mis les mains pour arrêter Amancio. Ma réponse a toujours été là-même : je ne l’arrêterai pas de cette façon, même aujourd’hui » déclara l’élégant mais prétentieux Vasovic pour « Karavan » en 1972. Une reprise de volée puissante de Senna permet aux espagnols de s’adjuger leur sixième ligue des champions.

Lorsqu’on connait le statut d’outsider du Partizan, on peut juger ce parcours très honorable. Pourtant, beaucoup de critiques contre la direction ont été émises par la suite. On a reproché au club de se concentrer plus sur la vente de joueurs que sur la finale.
Le jour même, Milutin Soskic est sorti de sa chambre d’hôtel pour négocier avec le président de Cologne. « Allez négocier avec le nouveau président ! » avaient déclaré les dirigeants. Pas la meilleure manière d’aborder une rencontre de la plus haute importance. « Nous n’avons pas perdu contre l’équipe du Real, mais contre le club en lui-même. Ils étaient mieux organisés, ils connaissaient leur objectif » souligne Soskic pour « Expres ». Soskic, Jusufi, Galic et Vasovic quittent le Partizan peu de temps après cette épopée. Cette parenthèse enchantée est le point culminant de l’histoire d’un club qui n’a jamais connu une telle génération par la suite.