LE FK NOVI PAZAR, CLUB DE PRVALIGA, A TOUT POUR PASSER INAPERÇU DANS L’UNIVERS DU FOOTBALL SERBE. TOUTEFOIS, CE CLUB DÉCHAÎNE LES PASSIONS, ET FIGURE DANS LA LIGNE DE MIRE DE LA PLUPART DES SUPPORTERS DU PAYS. POURQUOI CE CLUB EST-IL TANT HAÏT ? FUDBALSKI HRAM RÉPOND À CETTE QUESTION.

Peu d’éléments sportifs expliquent cette haine viscérale à l’encontre du petit club de Novi Pazar, fondé en 1928 et capitale de la région du Sandzak . Seuls les explications politiques peuvent répondre à la question posée. 



Un peu de géopolitique pour bien commencer cet article. Le Sandzak est une région à cheval entre le Monténégro et la Serbie, mais qui reste majoritairement, de par sa superficie, Serbe. Et dont la capitale est Novi Pazar. Cette région cristallise les tensions depuis la fin de la guerre, car même si celle-ci a été en majorité épargnée par le conflit dans les années 1990, elle est devenue un foyer d’insurrection pour la minorité bosniaque musulmane, en quête d’indépendance. 

Le Sandzak, région de l’insurrection bosniaque 

En 1991, un referendum est organisé dans la région pour demander l’indépendance du territoire sur des bases religieuses, musulmanes. Un référendum qui restera lettre morte, mais qui illustre bien les velléités indépendantistes des Bosniaques du Sandzak, qui représentent tout de même, 60% des habitants du territoire. Cette consultation, opérée lors de la chute du socialisme en Yougoslavie, réveille les nationalismes de toutes parts. Belgrade se fait de plus en plus méfiant vis-à vis de ces revendications. Voulant éviter un scénario à la Kosovo et une dislocation à petit feu de l’état Serbe. 

Pour appuyer ces désirs d’indépendance, le Wahhabisme, déjà présent en Bosnie pour soutenir les troupes d’Izetbegovic, va s’implanter dans le Sandzak serbe et notamment à Novi Pazar. Celui-ci va financer des partis politiques naissants dans la région comme le Parti d’action démocratique du Sandzak, fondé en 1990, et dirigé par Sulejman Ugljanin et Rasim Ljajic. Ce dernier quittant le navire, reprochant au premier d’être un « extrémiste » et de vouloir disloquer le pays. Des mosquées flambant neuves, vont être érigées un peu partout dans la région. Des projets d’attentats sont régulièrement déjoués. En 2007, une unité anti-terroriste démantèle un camp djihadiste à Sjenica, non loin de Novi Pazar. 


Toutefois, une part des « modérés » mené par Rasim Ljajic, va acter un schisme dans la communauté musulmane du Sandzak entre eux, et les Wahhabites menés par Sulejman Ugljanin en 2006. 


Quoi qu’il en soit, les relations entre le pouvoir central de Belgrade et la région du Sandzak, tiraillée entre islam modéré et séparatisme wahhabite, se tendent. Vous aurez donc compris que les Serbes voient d’un très mauvais oeil les événements dans cette région, et vont répercuter leur haine notamment sur le club de football local, le FK Novi Pazar. 


Tantôt modèle de vivre ensemble avec des joueurs serbes et bosniaques évoluant sous la même tunique. Tantôt modèle d’extrémisme, avec des banderoles douteuses à l’encontre de la communauté serbe, ce club est devenu, parfois malgré lui, formation la plus détestée de Serbie. 

Des groupes ultras séparatistes 


La suite logique de ce contexte géopolitique particulier se répercute comme souvent dans le football. Dans les Balkans, plus que nulle part ailleurs, le sport est le reflet de la politique nationale. 


Deux principaux groupes ultras garnissent les travées du « Gradski stadion ». Les Ekstremi, qui portent bien leur nom, et la Torcida Sandzak. Les deux firmes voient le jour dans les années 1980, une époque concomitante avec les premiers soulèvements au Kosovo et les premières revendications bosniaques. 


Naturellement, les deux groupes vont s’engager dans la lutte armée dans les années 1990, en rejoignant les troupes d’Izetbegovic dans la guerre d’indépendance. À la fin de la guerre, les membres regagnent leur virage et développent réellement le mouvement ultra dans la région. 

©Tanjug

La Torcida tisse une forte amitié avec les ultras de Fenerbahce. Ce qui est perçu comme une énième provocation pour l’écrasante majorité des groupes organisés du pays. Quelques centaines d’années d’occupation ottomane auront laissé un gout amer aux Serbes, qui ne portent pas les Turcs dans leur coeur. C’est le moins que l’on puisse dire. 


Le bâchage de ces supporters n’est pas anodin. De nombreux calicots à la gloire du Sandzak indépendant, frappés du croissant, sont régulièrement affichés. Le drapeau ethnique bosniaque à la fleur de lys décore lui aussi souvent le « Gradski stadion ». Tout comme, de nombreux drapeaux Turcs.


Plus récemment, la Torcida Sandzak s’est négativement illustré en rendant hommage à Naser Oric, un ancien criminel bosniaque acquitté par le TPIY. Pire encore, ils se sont permis une banderole très douteuse moquant le trafic d’organes dont les Serbes ont été victimes au Kosovo dans les années 1990. 


Des affronts répétés pour Grobari, Delije, et autres formations ultras, qui forcement amènent à de nombreux incidents en amont des rencontres. 


Des incidents récurrents 


Ainsi, de nombreux incidents viennent émailler les rencontres de Novi Pazar contre d’autres clubs serbes, pour l’immense majorité, d’obédience nationaliste. En 2008, les Taurunum boys de Zemun avaient loué une maison dans la localité, deux jours avant le match, pour en découdre avec les locaux.

Le jour du match, la police est venue chercher la troupe au pied même de leur habitation pour éviter tout nouveau règlement de compte. Résultat ? Retour à Zemun pour les TB87. 


En 2013, alors que le club du Sandzak recevait le Partizan, ces premiers ont lancé en direction du parcage une bombe artisanale qui n’explosera pas et qui finira sur la pelouse du stade. Lors de la réception de l’Étoile Rouge en 2015, la ville est devenue un véritable théâtre de guerre. Avec des affrontements tout au long de la journée.

Lors du match, les visiteurs ont répliqué en entonnant des chants à la gloire de Ratko Mladic et en arborant des croix celtiques, emblème nationaliste et hostile à l’Islam. Pas de quoi jouer un match de football dans les meilleurs dispositions. 


Depuis, les déplacements de supporters sont régulièrement interdits par les autorités, craignant des débordements et ne pouvant au final pas gérer les ultras locaux et visiteurs. 


Le difficile contexte géopolitique opposant Serbes orthodoxes et Bosniaques musulmans du Sandzak se fait sentir sur les pelouses. Le club de Novi Pazar est donc devenu au fil des tensions politiques l’ennemi public numéro 1 du pays. Ils reprochent même à la fédération de football serbe des “arrangements” afin de les faire disparaitre du monde professionnel. 

Ils recevront lors du prochain match le FK Zemun. Des nouveaux incidents à prévoir malgré les interdictions de déplacement ? Réponse le 2 mars. 

By Sacha Tisic

Journaliste. Je n'ai confiance qu'en mon Desert Eagle et en Mitrović dans les arrêts de jeu.

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