Décédé il y a environ 2 mois maintenant, Radomir Antic était l’une des figures du football serbe les plus appréciées. Au-delà de ses faits d’armes sportifs, connus de tous, l’homme attirait la sympathie de par sa simplicité et son franc parler. Fudbalski Hram revient sur les raisons de sa popularité.
Radomir voit le jour à Zitiste, et fait ses débuts en tant que joueur au Sloboda Uzice, tout comme un certain Nemanja Vidic.
Par ailleurs, le stade du club porte aujourd’hui son nom, signe de la marque que l’homme aura laissé dans sa ville d’origine. D’origine oui, puisqu’il a 6 ans lorsqu’il s’installe là-bas avec ses parents. Joueur modeste mais besogneux, c’est surtout en tant qu’entraîneur que la notoriété de l’homme s’est faite. 11 années passées au Partizan l’auront aussi élevé au rang de légende des « crno-beli ».
L’une des causes de sa popularité, auprès du peuple serbe, réside dans son palmarès de coach en Espagne. Il commence sa carrière au Real Saragosse. Il prend en main une structure modeste, habituée aux seconds rôles dans la péninsule ibérique. 2 ans plus tard, il hisse l’équipe en UEFA et se fait un nom. Une main de fer dans un gant de velours.
Le digne représentant de la Serbie en Espagne
Il est le pionnier de la professionnalisation du football espagnol à l’époque, il instaure la vidéo dans le vestiaire. Pour analyser le jeu des adversaires, mais aussi, pour prendre exemple sur le grand Ajax. Guardiola, Benitez ou encore Emery se sont beaucoup inspirés de lui.
Seul technicien à avoir managé le Barça, l’Atletico et le Réal, ses résultats ont plaidé en sa faveur. Il prend en main le Réal Madrid en 1991, mais se fait virer au sommet de son art, alors même qu’il est en tête du classement. Le beau jeu proposé par l’homme ne plaisait pas au président de l’époque. Peu importe, Radomir Antic devient progressivement un personnage dans le sport local. Surtout chez les Serbes, dont la fierté se fait grandissante en voyant un gamin du pays réussir à ce point à l’étranger.
Son apogée, il l’atteint bien évidemment avec les « Colchoneros » avec lesquels il remporte le doublé coupe championnat en 1996. Il est élu dans la foulée « entraîneur de l’année » par le média « Don Balón ».
En bref, il a acquis un statut de classe mondiale. Représentant de tout un pays, sa mère lui disait : « mon fils, tu as réussi, tout le monde peut se laver le cul avec ta tête ».
À son décès, les hommages se multiplient, attestant vraiment du rôle de prophète qu’avait Radomir Antic. Sergio Ramos a déclaré : « Tu as rendu notre rival, l’Atleti, plus grand ». Ce club, qu’il a fait grandir, lui a rendu hommage : « La famille de l’Atletico pleure l’une de ses légendes, tu seras toujours dans nos cœurs. Repose en paix ».
En Serbie aussi, les éloges funèbres vont bon train. « On peut être fiers d’avoir eu un homme à l’étranger qui a toujours été fier de son pays » lance la ligue de football belgradoise. Le média « Blic » confie : « Antic nous a remplis d’émotions ». Quant à elle, la fédération salue : « l’un des meilleurs entraîneurs serbes »
Une Coupe du monde légendaire
Radomir Antic est aussi le premier sélectionneur à emmener la jeune équipe serbe en phase finale de Coupe du monde, en 2010. Et ce, au terme d’une fabuleuse campagne de qualification.
La formation termine première de son groupe, devant la France. Jamais les « aigles blancs » n’avaient développé un tel jeu. « Mon objectif ? La qualification pour la Coupe du monde. Ma façon de voir le football fait que je ne peux pas me contenter d’un nul. » confie le tacticien. Les bases, ambitieuses, sont posées.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’engouement autour de la nation n’a jamais atteint une telle apogée. Le match symbolique de cette époque est la victoire contre la Roumanie. Un 5-0 qui envoie les coéquipiers de Zigic en Afrique du Sud. Un évènement fêté dans tout le pays. Pour l’heure, on attend toujours les mêmes scènes de liesse pour une rencontre de la Serbie.
Tous les voyants sont aux verts pour réaliser un beau parcours lors de la Coupe du Monde. Mais comme souvent, la fédération met son grain de sel dans les choix tactiques d’Antic. Malgré un succès 0-1 contre la grande Allemagne, les hommes de l’ancien madrilène ne parviennent pas à dépasser les poules. Peu importe, il a réalisé le rêve de toute une nation.
Sa popularité n’est plus à construire au pays, lui qui avait fait ses armes à l’étranger. Il restera indéniablement le meilleur leader de ces 14 dernières années.
Nombreux sont les joueurs de l’époque à saluer l’ancien joueur de Saragosse. À commencer par Nemanja Vidic. « La Serbie possède un atout indéniable avec Antic » avait-il déclaré en amont de la compétition.
Il est licencié en 2010, peu après le tournoi, suite à des faibles résultats comptant pour la qualification à l’Euro 2012. La fédération n’est pas étrangère à ce déclin. Ses querelles avec l’ancien président de l’institution, Tomislav Karadzic, renforcera la sympathie autour de son image.
Clash avec la Fédération
Globalement, les aigles étaient favorables à son maintien en sélection. Nikola Zigic lançait à son sujet : « J’aurais aimé qu’il reste, il a réussi à créer et à fédérer un vrai groupe. L’atmosphère y était fantastique ». La Fédération de football serbe a souvent joué un rôle négatif dans la progression de l’équipe. Entre copinages, interventionnismes excessifs et sombres affaires d’argent, la réputation de l’organe n’est plus à faire.
Quelqu’un en a décidé autrement, en la personne de Tomislav Karadzic. Personnalité haïe, mis en cause pour divers scandales de corruption, il faisait régulièrement l’objet de chants contre sa personne. « Tomislav, tu es un traître » pouvait-on entendre dans les gradins de Zvezda et du Partizan. Les tribunes de l’équipe nationale n’étaient guère épargnées.
Cet homme a rendu la vie dure à Antic. Multipliant les frasques à l’encontre du coach adoré. « Antic est un bon sélectionneur, mais à court terme » assurait-il. Pire, il remettait en cause ses qualités, qui n’étaient à vrai dire, plus vraiment à prouver.
« Il ferait mieux de changer de métier » assénait-il violemment. De son côté, l’entraîneur, toujours respectueux, se contentait de parler du sportif. « Nous ne sommes pas sur la bonne voie » jugeait-il. Aussi, il ne voulait pas faire de vagues, toujours pour privilégier le terrain. « Je me tairai sur Karadzic » disait-il. Bref, la grande classe. Son seul excès de colère fût la programmation d’un match amical contre l’Algérie, sans son accord.
Officiellement, les questions salariales posaient problème à l’homme fort de la Fédération. Tout comme la suspension de 4 matchs d’Antic, liée à son comportement face à l’Australie. Officieusement, Karadzic avait peur de la notoriété grandissante de l’ancien coach de l’Atletico. Il lui faisait de l’ombre, et ne tolérait pas les « magouilles » récurrentes de l’institution.
Lors d’une interview à « Blic », le natif de Zitiste admettait volontiers que sa « plus grande blessure restait la fin de son aventure en sélection ».
Licencié comme un malpropre, il était question de son retour à la tête des « aigles blancs » en 2019. Une offre finalement déclinée. Personne franche, et loin des affaires de gros sous, c’est cette droiture, et cette posture irréprochable, qui ont façonné son image. Au revoir Radomir !